Bob Boutique pour "L'aquarelle bleue"

BOUTIQUE BOB (AUTEUR- LIBRAIRE)

L'aquarelle bleue de Chantal Adam.

Le film commence par un long travelling latéral le long d’une Meuse lugubre et grise, avec des hauts-fourneaux qui crachent d’épaisses fumées brun jaune. Puis la caméra pivote et plonge derrière un terril sur un coron environné d’enfants sauvages et de cerisiers du japon en fleurs. C’est là que ‘la petite pomme’ a vécu son enfance, en plein boum industriel des années 50-60, près d’un grand-père extraordinaire, qu’elle aurait sûrement dessiné comme un immense soleil occupant toute la surface de sa feuille de papier. Si je débute avec ce commentaire, c’est parce que (à mon avis) tout le livre tient dans ces premières pages. Tout est dit. Le petit village où tout le monde est et doit être socialiste, la petite bourgeoisie locale issue de ce même monde ouvrier, le qu’en dira t-on, les vrais couples, les faux et ceux qui basculent, et même en surplus, une histoire policière dont on n’arrive pas à démêler l’écheveau alors que la clé se trouve littéralement sous notre nez. Ensuite, Chantal Adam renverse son puzzle sur la table, brouille les pièces et nous invite à reconstituer un tableau qui mettra 180 pages à prendre forme. Autant le dire, l’Aquarelle bleue (un portait de la petite Jeanne croquée par son artiste d'oncle) n’est pas un livre facile et vous ne le lirez pas comme un Arsène Lupin. C’est un ouvrage qui se déguste et qu’il faut déposer de temps à autre sur les genoux pour faire le point. Car le passé s’y mêle au présent, aux présents mêmes (au pluriel) et les digressions y sont nombreuses, comme si vous surfiez d’un site à l’autre pour finir par ne plus savoir où vous vous trouvez. Comme un kaléidoscope dont les mille fragments de verre seraient le train-train des ‘gens’. Qui a marié qui ? Qui a engrossé qui et bien sur (quelques scènes crues et cocasses à la clé) qui a baisé qui ?Et puis, il y a ce loup qui se dresse sur la page de couverture et dont je ne vous dirai rien, pour ne pas déflorer ce récit qui explose à la dernière page, à l’ instant où vous réussissez enfin (c’est du moins ce que vous croyez) à déposer la dernière pièce du puzzle. Réflexion faite, c’est un bon bouquin : le portrait, couleur sépia, d’une société qui paraît déjà bien archaïque, sans pc’s, sans internet, sans gsm, sans l’islam et c’ était… il y a peine 40 ans. J’aime bien, et même un peu plus que bien, mais faut s’accrocher et mériter ce style tout en élégance. C’est ça… élégant. Ha oui, j’oubliais ! C’est paru chez Chloé des Lys.